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Art du tatouage

Phnom Penh Post, un article sur l’Angkor Tattoo Shop…

La boutique de tatouage de Lex Roulor à Siem Reap est maintenant ouverte !

Après plusieurs semaines de travail acharné pour régler le salon , tout est enfin terminé ! La boutique fait déjà le buzz dans la ville… Il y a deux semaines, Michael Sloan, un journaliste du Phnom Penh Post est venu discuter et en apprendre un peu plus sur la boutique. Quelques jours plus tard, j’étais dans le journal ! Consultez l’article en ligne sur le site du Phnom Penh Post.

CLIQUEZ ICI

Maintenant, la boutique est opérationnelle ! Vous êtes juste le bienvenu !
Retrouvez la boutique au X Bar, au bout de Pub Street. Levez les yeux pour repérer le X !

Art du tatouage

Le nouveau Siem Reap Tattoo Shop ouvre bientôt !!!

Après plusieurs semaines à Siem Reap, au Cambodge , passées à s’installer, à trouver une maison dans laquelle poser les valises pendant un moment, à assembler les choses, à trier les visas et à dépenser ce qui semble être une tonne d’argent aussi beaucoup de choses… Eh bien, ça y est : Le moment est venu de faire en sorte que mes machines à tatouer ne voient plus 3 pays différents par mois, et de trouver leur place sur une belle étagère confortable dans un vrai magasin !

Oui, j’ai trouvé un emplacement ! Dans un super endroit, à Siem Reap, Downtown, en plein centre de son cœur battant. Donc, en quelque chose comme deux semaines, j’ai fini par ouvrir  » Lexroulor’s Angkor Tattoo Shop », le seul et unique magasin de tatouage de Siem Reap à être tenu par un occidental !

JE’, un lieu à l’ambiance unique sur les toits de la ville, avec une vue magnifique sur toute la ville. Qu’y a-t-il en magasin là-haut ? Musique rock forte de 16h à l’aube, tables de billard et baby-foot gratuits, écran géant et projecteurs, jam session tous les mercredis, bar en plein air, toit en noix de coco, planche à roulettes half-pipe connectée au ciel et minuscule tatoueur au milieu de tout ça…

Les travaux commencent aujourd’hui, et le lieu sera totalement prêt dans deux semaines. Le concept : Un super petit studio en parfaite harmonie avec l’univers du bar, avec une immense fenêtre transparente pour voir qui se fait encrer, et d’autres surprises… Alors si vous voulez vous détendre, ET vous faire plaisir tatouage unique et spécialement conçu pour vous, eh bien, N’HÉSITEZ PAS. C’est l’endroit que vous voulez visiter à Siem Reap.

Pour le trouver – c’est facile, descendez Pub Street, au milieu de la ville, levez les yeux et repérez l’énorme X illuminé dans le grand ciel nocturne de Siem Reap !

Mises à jour à suivre bientôt !!!

POUR TROUVER LA BOUTIQUE DE TATOUAGE ANGKOR DE LEXROULOR, cliquez ici.

Voyage

Un long chemin en peu de temps…

Kao San Road, temple terrestre du bruit, de la fête, des thongs à prix défiant toute concurrence, et du bordel en général.  Kao San Road, plus haute concentration de tattoo shops au mètre carré de la planète…  Il est temps de fuir, après quelques jours passés à remonter l’horloge biologique et à se mettre à l’heure locale.

Direction le nord de la Thaïlande, Nong Khai, puis Vientiane, Capitale du Laos.  Relax et tranquille, la petite ville n’a pas de shop.  Je n’entend que quelques locaux mal famés me parler de « potes » qui tatouent chez eux.  Après investigation, je comprends que le gouvernement interdit toute pratique de l’art.  Communisme rime donc avec peau non encrée.  Mes sentiments de doute sont donc bien fondés alors que je ne trouvais absolument aucune information sur le tatouage au Laos, il n’y a simplement RIEN…  Impossible de se mettre quoi que ce soit sous la dent au Laos…

Décision rapide, et retour vers un pays qui m’est très cher: le Cambodge.  Siem Reap sera la ville qui marquera la fin d’une courte errance de deux semaines.  Temples de Angkor et mane touristique, la ville est accueillante et relax, et ne compte que trois microscopiques tattoo shops tenus par des Cambodgiens.  Siem Reap, peut-être l’occasoin de faire un truc, mais avant tout il faut trouver un endroit pour jeter l’ancre.

Passer quelques mois ici semble particulièrement attirant, et l’idée d’ouvrir un petit shop temporaire est tout autant séduisante.  Je dois voir ce que je peux faire.

L’aventure continue…

Voyage

Retour sur la route…

Après une courte pause à Blackwood, au Pays de Galles, j’ai repris la route…

Direction : Bangkok pour quelques jours pour découvrir la ville trépidante que j’aime. Puis, le Laos, Vientiane. Je vais m’y installer et essayer de trouver une place. Trois mois agréables passés au Pays de Galles, mais il est maintenant temps de reprendre le chemin de l’aventure.

On verra ce que ça donne, j’adore l’idée !!!
Alors restez à l’écoute si vous voulez savoir ce que la vie a à offrir.

Art du tatouage

Dave Fleet, Abracadabra Tattoo, the magic from Wales… PART…

Le grand nombre de tatoués dans la région en atteste, le tattoo est de plus en plus fortement « ancré » dans l’esprit des Britanniques (jeunes ou moins jeunes d’ailleurs). Arpentez les rues de Blackwood en été et vous serez étonné par le nombre d’avant-bras ou de mollets entièrement colorés fièrement exposés. La proportion de la population qui porte des tattoos très visibles ou de grande taille doit facilement dépasser les 15%, et il n’est plus rare que de nouveaux clients commencent directement par un premier tatouage de taille très respectable. Alors qu’on se contentait il y quelques années d’un papillon discret sur un omoplate ou d’un petit tribal sur le haut du bras, on attaque maintenant directement avec une manchette complète ou avec un design massif dans le dos comme toute première encre.

De plus, un nombre croissant de gens viennent chez Abracadabra avec des idées très précises sur ce qu’ils veulent. Pratiquement plus personne ne se pointe pour se faire encrer un bon vieux flash tout droit sorti d’un art book. Pourtant, d’innombrables planches recouvrent les murs du studio, mais la liste des prix prend maintenant la poussière sur une des étagères du comptoir. Il y a environ 5 ans, on voyait encore pas mal de clients demander le tarif pour un dragon gallois ou une croix celtique piqué sur un des bouquins, et le staff pouvait leur sortir directement quelques flashs de derrière les fagots, avec le prix qui allait avec. Aujourd’hui, tous les clients qui entrent dans la boutique ont une idée assez précise en tête et insistent sur le fait d’avoir un design aux détails personnalisés… Ce qui signifie que le temps passé sur chaque projet est considérablement plus long, de par la nécessité de travailler face à des attentes et des exigences toujours plus strictes. Ces deux facteurs dans l’attitude de la clientèle forcent ainsi l’équipe à facturer aujourd’hui uniquement à l’heure, non plus au design comme avant.

Je suis assez étonné du contraste avec le studio dans lequel j’avais exercé plus tôt à Bruxelles. En effet, j’étais au contraire presque toujours obligé de m’évertuer à expliquer à un client impatient de se faire tatouer un flash ramassé dans le premier catalogue venu, que sa démarche pourrait être plus personnelle et qu’il pourrait imaginer porter un tattoo vraiment unique en faisant preuve d’un tant soit peu de réflexion. Son choix se portait très souvent à la fin sur le flash, sans trop prêter attention aux recommandations d’usage… Alors d’un certain point de vue, en Grande Bretagne, la tendance inverse serait une bonne chose, car elle pourrait être la preuve que les Britanniques sont impliqués plus personnellement dans la démarche de se faire tatouer. D’un autre coté, avec des attentes de plus en plus poussées, et souvent trop, pas mal de clients de Dave font preuve d’un irréalisme digne d’un épisode de la Quatrième Dimension. Abreuvés de séries comme « Miami Ink » ou « LA Ink » qui inondent les chaînes câblées ces 3 dernières années, ces futurs nouveaux tatoués ne jurent que par ce qu’ils voient sur leur petit écran. Après s’être enfilés trois saisons de ces shows en DVD sur le week-end, ils se pointent le mardi chez Abracadabra avec une idée pour un dos complet, attendent de recevoir leur projet dans l’heure qui suit, et d’avoir un rendez-vous le lendemain… Au fond, ça fait marrer Dave… un peu… Il se rappelle même qu’une fois, une cliente qu’il était en train de tatouer s’était fortement plainte de la douleur, avec pour excuse que ça ne paraissait pas faire mal du tout… à la télé…

Quand j’aborde la question de la prolifération des shops, Dave prend la chose avec la plus grande philosophie. On dénombre par exemple aujourd’hui 16 boutiques rien qu’à Bristol, mais cela ne l’inquiète pas pour son business. Il parait même plutôt content de la tournure des évènements. Étonné une nouvelle fois, je lui demande pourquoi il se frotte les mains de cette concurrence envahissante, et il m’explique donc. Après la période de Noël et début janvier, un véritable raz de marée de nouveaux clients fait son apparition au studio. Pour la plupart de ces nouvelles figures, la raison qui les poussent à venir chez Abracadabra, c’est pour arranger ou carrément recouvrir un tattoo foireux encré pas cher pour Noël par quelque nouveau tatoueur dans quelque nouvelle boutique. Ainsi, Dave, armé de son expérience et épaulé de son équipe chevronnée, récolte les honneurs en « sauvant la peau » de ces clients au désespoir. On arrange le mauvais boulot d’un tatoueur trop frais lâché trop tôt dans la nature (voire même d’un quidam s’improvisant tatoueur dans son salon…). D’une pierre deux coups donc: on récupère la confiance d’un client rassuré, et on glane aussi au passage les amis de ce client qui transmet la bonne parole façon bouche à oreille. Fair-play! Heureux soyez, Jeunes Ados, de recevoir le dernier kit à tatouer commandé au Papa Noël sur un site de matos pas cher, Dave est là pour rattraper vos bousilles… Je dois avouer que ça me fait un peu transpirer dans mes pompes de tatoueur novice. Je me conforte dans l’idée qu’au moins je tente de faire preuve d’éthique et d’un profond respect pour le boulot des anciens, et je prie pour que personne n’ait jamais à rattraper mes jeunes tattoos…

Toujours occupé à dessiner calmement au stylo le polynésien sur le bras de son client, Dave lève les yeux vers moi et s’interrompt quelques secondes. Il ne dit rien, puis retourne à la peau du gars assis en face de lui. Plus haut sur son épaule, il commence à tracer quelque chose qui ne semble rien à voir à faire avec le polynésien… En 5 lignes, pas plus, une hirondelle old school dans les règles de l’art apparaît sous mes yeux ébahis. « Voilà mon pote, c’est tout ce que tu dois savoir », dit-il alors. Je l’interroge du regard. « Tout est là; des lignes fluides et arrondies pour tracer le corps, un dégradé de gris pour ombrer les ailes, et des bonnes couleurs bien solides pour finir le tout. Tu sais faire ça, tu sais TOUT faire ». Ça me laisse rêveur… Il m’en faut peu? Et ben je dirais pour ma défense que dans la vie, c’est dans les choses les plus simples que réside toujours la plus grande difficulté. J’applique cela au tattoo.

Les temps changent, ou pas… Dave Fleet tatoue depuis plus de 30 ans. Micky Sharpz n’exerce plus, mais vend des machines aux quatre coins du monde. Au shop de Blackwood, Maria Fleet bosse dur et se prépare doucement à prendre le relais, quand son père partira à la retraite. Elle sera à la hauteur, c’est sûr. Elle m’avoue qu’elle est fière du chemin parcouru par son père ; quand on peut y associer tant de grands noms, il y a de quoi ! Mais malgré tout cela, Dave reste simple, sincère, et conserve ce coté old school que j’apprécie tellement. Il me semble en effet que ce n’est pas dans toutes les boutiques qu’on peut se pointer presque à l’improviste, se faire offrir du thé, rencontrer toute l’équipe, espionner un peu chacun travailler, discuter le bout de gras pendant deux heures avec le patron, et ressortir avec l’impression d’être passé dire bonjour à des amis… Sans vouloir paraître vieux jeu ; exemple à suivre.

Mais les bonnes choses ont une fin,  et je vais maintenant le laisser bosser un peu. Je m’éclipse. Je ressurgirait sûrement chez Abracadabra avant de reprendre encore la route en janvier, pour remercier l’équipe de son accueil chaleureux, prendre quelques photos du shop, et rigoler une dernière fois avec tout le monde. Je quitte la boutique en rassurant juste le client de Dave qu’il ne va pas vraiment garder une hirondelle old school tatouée au dessus de son polynésien… Dehors, ça gèle sévère, et je manque tout juste de glisser lamentablement sur une plaque de glace et de m’étaler de tout mon long. Les rues de Blackwood présentent un tout autre intérêt maintenant car elles renferment le repère de Dave Fleet, un dinosaure du tatouage Britannique… J’y suis entré, et j’en suis ressorti vivant pour en raconter un bout d’histoire…

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Dave Fleet, Abracadabra Tattoo, la magie du Pays de…

Pays de Galles, 1975. L’industrie du charbon a du plomb dans l’aile… Glissant sur la pente d’un long déclin, des milliers de familles ayant déjà du mal à joindre les deux bouts sont doucement entraînées de par le fond. Le secteur tout entier essuie tour à tour la fermeture des mines d’exploitation, beaucoup étant jugées comme fonctionnant à perte, et les faillites de toutes les petites entreprises locales qui survivent autour du commerce, de la livraison, ou de la transformation du précieux minerai… devenu bien moins précieux depuis quelques années au profit du pétrole ou de l’énergie nucléaire…

Dave Fleet, la vingtaine à l’époque, gagne sa vie en bossant dur comme livreur pour une petite entreprise de transport de charbon située dans le comté de Gwent, dans le sud du pays. Depuis quelques mois, alors qu’il se crève à la tâche durant la journée, il passe pourtant toutes ses soirées et ses week-ends à traîner avec un copain… tatoué… Cet ami officie également de temps en temps comme tatoueur lui-même. Dave passe le plus clair de ses heures libres à regarder par dessus l’épaule de son mentor quand il tatoue, et finit même par pratiquer un peu sur des gars consentant. Doucement, il s’implique dans la culture naissante du tattoo, et perfectionne sa technique. Ainsi, quand la société de livraison suit le mouvement et dépose finalement le bilan en 1977, Dave se retrouve sans emploi, mais pas sans ressources: il se débrouille à gagner sa croûte en tatouant ici et là.

Accoudé au comptoir de son shop j’écoute Dave, aujourd’hui 50 ans passés, me raconter ses 33 années d’histoire « tatouistique ». J’écoute chaque mot de cette histoire avec l’enthousiasme d’un gosse qui ouvrirait ses cadeaux de Noël. Ça tombe bien, c’est juste la période… Cheveux grisonnant gominés en arrière, chemise bleue, blue jeans ajusté, Dave me rappellerait presque les photos de ces bad boys des années 60. Ouais, les mêmes gars que craignaient les fils à papa le samedi soir dans les bals de village, et ceux la même dont rêvaient en secret les filles bien élevées… Sympathique, accueillant et drôle, il m’invite à boire du thé, en bon britannique qui se respecte. Je ne bois pas de thé…

En 1977, la pratique du tattoo est encore peu répandue, et les tatoués sont bien souvent des marins ou des militaires, des excentriques ou des marginaux, et des truands ou autres taulards. Quand Dave fait ses débuts, alors que des noms tels que « Joe Hartley » raisonnent encore dans les boutiques du Royaume Uni, ceux qui exercent le métier ne sont pas légions. Ces quelques gaillards éparpillés ici et là n’ont, de plus, pas toujours bonne réputation. Dans tout l’ouest de l’Angleterre et le Pays de Galles, on ne compte que quatre tatoueurs à l’époque, dont Dave, et un certain Les Skuse Junior (Danny pour ne pas le nommer), qui reprend alors tout juste le flambeau du tattoo shop familial de Bristol.

De temps en temps, un nouveau venu tente d’installer sa boutique sans trop se soucier de la proximité plus ou moins relative de quelque autre tatoueur influent. Ce nouvel arrivant impétueux se voit alors directement signifier qu’il n’est pas tout à fait le bienvenu dans la région, et qu’il ferait bien de déménager… un peu plus loin… C’est à grands coups de parpaings dans la vitrine qu’on lui fait comprendre qu’il serait de bon ton de quitter le lieux dans les plus brefs délais. Et bien souvent, le tatoueur téméraire s’accroche quelques semaines, puis part finalement en quête d’un emplacement un peu plus tranquille. Mais Dave est chanceux. Blackwood, la petite ville du conté de Gwent où il choisit de débuter, n’est sous l’influence d’aucun clan. Alors lancé dans la profession, Dave cherche à améliorer sa technique et à gagner l’inspiration. Il passe souvent voir un de ses amis qui officie également au Pays de Galles ; Micky Sharpz. LE Micky Sharpz… Les deux compères discutaillent pas mal et échangent quelques petites astuces entre studio et coin de bar. A l’époque, Dave est subjugué par le boulot de Micky. Un style ultra réaliste, que Dave juge comme ayant facilement 20 ans d’avance sur tout ce qui se fait alors dans les années 70.  Micky Sharpz, un visionnaire ? Selon Dave, pas de doute. Il se rappelle même précisément d’un papillon que Micky a tatoué sur un client 20 ans auparavant… Un genre de révélation… Alors quand je lui demande comment il qualifie son style, il m’explique qu’il prend son pied en travaillant sur des grosses pièces en style réaliste ou des portraits.

Après quelques années dans un local miteux, puis quelques années à se planquer au premier étage au dessus d’une boutique de tapis, et Dave installe enfin Abracadabra Tattoo dans un shop spacieux et confortable sur une petite place commerçante de la ville. Même pas au centre ville, simplement dans un quartier tranquille… Chez Abracadabra Tattoo, quatre tatoueurs travaillent aujourd’hui plein temps. Toute l’équipe pratique un art dont le seul nom « Dave Fleet » garanti la qualité, et quiconque entre dans la boutique peut se conforter de recevoir des conseils avisés, riches de plus de 30 années d’expérience du patron.

Les clients affluent de tout le Royaume Uni pour se faire encrer au shop, et le carnet de rendez-vous  des quatre tatoueurs est blindé plus de trois mois à l’avance… Dave en rigole et m’avoue qu’il tente de ralentir un peu le rythme des rendez-vous, sinon il pourrait bien être déjà booké pour toute l’année 2011. Pour lui prêter main forte dans ce rush constant, son équipe est sur le pied de guerre, 100% active dès 9h30 (et tout le monde sait que 9h30, c’est très tôt pour un tattoo shop!). Et leur agenda s’étire souvent jusque plus de 19h. Dave officie dans son repère, tout au fond de la boutique, après un long couloir qui pourrait bien servir de petit musée du tatouage. Les murs en sont recouverts de vieux dessins old school et de photos. Dans un cadre, trône fièrement un dessin de l’ancienne boutique sur High Street, en 1986 (alors que je jouait encore aux GI joe…). Sur la gauche dans ce même couloir se trouve le poste de Whisky, le balèze percé de l’équipe. Dans un petit espace jouxtant le hall, près de l’accueil, Maria, la fille de Dave, se débat déjà avec un recouvrement tatillon, armée d’une machine rotative dernier cri. Un peu plus loin, caché après un petit hall sombre croulant sous les calques et les dessins, Dominic, le petit dernier de l’équipe, est en pleine cession d’échauffement et d’étirement avant d’entamer une séance de six heures: un ange sur les côtes d’un courageux lascar.

Nous quittons le comptoir. Dave reçoit un client à 11h et m’invite à poursuivre la discussion pendant qu’il travaille. Le client de ce matin vient pour finaliser un polynésien couvrant tout son bras droit. Dave a décidé de le traiter entièrement en free hand. Il entame doucement son dessin, stylo en main, et continue de bavarder.

Art/Style de vie

Un jour dans un salon de tatouage

Tang Feng, 30 ans, marié, deux enfants, profession tatoueur à Hangzhou. Dans une mezzanine de 14m2 au dessus d’une petite boutique de souvenirs et de babioles, il professe son art façon « fait maison ». Perdues entre feuilles volantes, calques brouillons et crayons épars, ses machines à tatouer prennent vie alors qu’il les arment prestement de leurs aiguilles. Un tiroir s’ouvre, en jaillit une buse un plastique à usage unique, aussitôt combinée à un grip chamarré de rouge, de noir et de vert, le tout habillement manié entre des mains agiles manœuvrant dans de grises volutes de fumée de cigarette.

Et hop, en deux temps trois mouvements, le poste de Tang Feng est prêt à tatouer, véritable Capharnaüm de couleurs, de godets en plastique, de fils, de papier essuie-tout, et de liquides divers mêlés à de la vaseline au pas chère. Il est maintenant 14h, la cliente devrait arriver. Les aiguilles l’attendent patiemment, Tang Feng et moi aussi. Pour passer le temps, nous écumons quelques pages de photos de tattoos sur le net, chacune ponctuée de « hao » ou de « bu hao », basiques jugements en chinois, simplement afin de marquer notre accord ou notre désaccord sur tel ou tel design. Parfois, il tente de faire une remarque un peu plus intéressante, et son ordinateur se charge de me traduire alors pour lui ce que ses doigts veulent me dire. Ah oui, Tang Feng ne parle pas un seul mot d’anglais, et moi seulement 14 mots de chinois… Je me contente d’approuver de la tête, ou de faire la moue pour lui montrer que je pense le contraire.

15h30, la cliente se fait attendre. Les aiguilles à tatouer, jadis stérilisées dans leur emballage, rigolent peut-être du dialogue un peu surréaliste qui se tient entre Tang Feng et moi en ce moment. Doucement, mon petit carnet de notes se couvre de mots en chinois que mon esprit tente d’emmagasiner (probablement plus par politesse en fait vis à vis de mon « professeur de chinois » improvisé). Des mots qui ne me serviront sûrement que très peu dans la vie quotidienne… Je me demande comment je pourrais recaser « buse de 5 », « tribal design » ou encore « recouvrement » dans une discussion normale… En chinois en plus… Bref, ça doit me servir, pour ce qui est du tattoo.

J’épluche le portfolio de Tang Feng, patiemment. De superbes pièces traditionnelles se disputent la première place, et quelques tatouages old school attirent mon attention. C’est assez marrant de voir comment le custom américain prend vie à la sauce asiatique. Nos sujet de discussion s’épuisent, si tant est qu’il y en avait avant cela. Cette journée passée au studio parait longue. Mon cerveau fournit des efforts pour tenter de compiler les informations reçues en flux tendu, et en chinois, et chaque minute passée ici se transforme en une année entière… je me demande alors si certaines situations n’auraient pas le don de déformer l’espace-temps pour créer des heures qui n’existaient pas avant… Einstein avait donc raison avec la Relativité et tout ces trucs là… De plus, quand j’ai en tête les idées et les choses échangées avec Zoe ces derniers jours, je transpire de plus belle. En effet, cette réponse qu’elle m’a donnée à propos de Hangzhou… Et toutes les idées et discussions que nous avons pu avoir avoir depuis notre arrivée . Le grand NON qui raisonne à propos de la Chine et de Hangzhou. Un NON qui est venu si vite, comme une évidente révélation. Un NON que nous allons donc écouter et suivre, en quittant finalement la Chine…

16h, la cliente arrive enfin. Sous les aiguilles parfois hésitantes, toujours efficaces de mon ami d’aujourd’hui, une fleur apparait doucement sur la peau de celle-ci. Très doucement. Je regarde ma montre… je regarde le tattoo… je regarde Tang Feng… Même regard inquisiteur que j’ai eu déjà pendant un an dans le studio où j’ai travaillé à Bruxelles. Me tordant le cou pour entrevoir l’angle, la profondeur, le mouvement des aiguilles sur la peau, je ne perds pas une image de ce qui se passe sous mes yeux. Tracés en noir, fins et précis, quelques ombrages rapides en gris, puis du rouge profond nuancé de rose, et enfin un vert habillement dégradé pour parfaire les quelques feuillages autour du design central. Tout comme l’organisation de son poste de travail, sa technique est une peu « faite maison », mais le résultat est concluant. La cliente se redresse après les deux heures passées sous les aiguilles du tatoueur. Elle parait contente. Enfin… difficile à dire en fait si on n’en juge qu’à son demi sourire. Alors qu’elle semble ne même pas trop se soucier de jeter un coup d’œil à son tattoo dans un miroir, elle se rhabille illico presto et se hâte de déguerpir presque, tout aussi vite. Tang Feng et moi échangeons un regard perplexe.

La journée touche alors à sa fin. La nuit est bien installée sur Hangzhou, et je dois retourner à mes pénates. Je serre la main à mon ami Tang Feng, et nous tentons de rigoler une dernière fois, dans une langue à mi chemin entre le chinois et l’anglais. Il doit sortir pour aller casser la croûte au resto du coin, où il a l’habitude de diner pour quelques yuans. 18h15, je grimpe dans un bus bondé sous les yeux ahuris d’un bon paquet de chinois. Le bus me ramène à la maison. Une bonne odeur de curry m’accueille, et Zo m’embrasse. Je suis fatigué, et je ne comprend pas bien ce qui s’est passé aujourd’hui, et pourquoi. Une journée dans un tattoo shop de Hangzhou s’achève…

Voyage

30 kilos et une vie…

Mardi 02 octobre, KFC, centre-ville de Hangzhou. Une question: « Et si Hangzhou ne te plaisait pas? » Je rembobine la pellicule pour revenir 10 jours en arrière…

05h30, lundi 25 octobre, Bruxelles. Réveil difficile. Quelques nuits sans dormir n’aidant pas, mon corps se traine vers la salle de bain, puis s’immerge dans la douche, s’habille, puis se charge de mon sac à dos.  Mes yeux font une dernière fois le tour de la pièce pour vérifier que mon cerveau n’oublie rien, puis mes jambes me mènent finalement à la gare du Midi. Eurostar de 08h05, arrivée à Londres 09h00 heure locale. Métro, nouveau train, navette aéroport, me voici à Gatwick, il est 11h30. Ma bouche tente d’ingurgiter une pâtisserie que mes yeux ont choisie. Sans succès… Ces derniers tentent d’ailleurs de parcourir quelques lignes sur les pages d’un livre que mes mains ont caché dans mon sac à mon insu. Sans succès… Zoe me rejoint enfin. Mes jambes me guident maintenant vers le guichet du check in, pas à pas derrière elle. Zoe me parle. Mes oreilles sont reliées directement à mon cœur. Zoe me sourit. Mes jambes, les mains, mes yeux recommencent lentement à faire partie intégrante de mon corps. Zoe rit. Mon sang coule à nouveau dans mes veines. Nous décollons, et le temps s’arrête. En dessous de nous, la France, la Grèce, la Turquie, l’Iran disparaissent en glissant silencieusement.

Minuit, mardi 26 octobre, Doha, Qatar. Les gyrophares de l’aéroport nous accueillent de leur teinte orangée. Notre transfert ne dure que deux heures, entrecoupées de trajets en navettes embuées se frayant un passage parmi les avions posés sur le tarmac, tout en jouant à cache cache avec les rayons oranges projetées par les battements de cœur lumineux de l’aéroport. Notre avion se présente enfin, au milieu d’une forêt d’ailes, de dérives et de frets.
02h00, nous décollons une nouvelle fois. Le Pakistan, L’inde, le plateau Tibétain étirent d’interminables chaines de montagnes loin en dessous de nous, dont les plus hauts sommets recouverts de neiges éternelles émergent des nuages. Une aube bleutées dévoile peu à peu leurs crêtes à perte de vue, qui viennent finalement mourir sur les premières dunes du désert du Taklamakan.

14h00, le 26 octobre, Shanghai, Pudong Airport. Le taxi qui nous conduit vers notre hôtel pénètre dans la circulation dense de la ville tentaculaire. Les premiers immeubles bordent l’autoroute dès les grilles de l’aéroport, puis quelques tours jetées ça et là, et enfin les hauts grattes-ciel du centre-ville se dessinent dans la grisaille de Shanghai. 16h00, Bik Time Hostel, quartier de Nanjing Lu, nous échouons enfin sur le lit d’une minuscule chambre, dans laquelle nous dormons trois jours d’affilée… Zoe et moi, et nos sacs, entassés où il y a de la place. Une timide visite du Bund pour nous plonger dans l’ambiance de la ville, un café bien chaud, des rires.

13h00, vendredi 29 octobre, gare de Shanghai. Notre train quitte le quai. 180km et 40 minutes plus loin, Hangzhou nous accueille. Hangzhou, pour vérifier le proverbe chinois. Hangzhou pour savoir si c’est le bon endroit. Hangzhou pour savoir si nous et nos sacs pourraient se plaire et rester… un moment… Nous et nos 30 kilos de vie…

Mardi 02 octobre, KFC, centre-ville de Hangzhou. Une question: « Et si Hangzhou ne te plaisait pas? » Zoe est assise en face de moi et boit son café pas cher. Elle avale doucement, pour se réchauffer. Elle me regarde. Puis, enfin, elle me répond… Je sourie. Je crois que je connaissais déjà la réponse…